Muriel Szac, marraine du Festival Magnifique Printemps : "La poésie est notre part la plus forte d'humanité".
Le festival Magnifique Printemps se tiendra du 13 au 28 mars, en version tout numérique. Rencontre avec l'autrice et l'éditrice lyonnaise Murielle Szac, marraine de cette cinquième édition, pour qui la poésie est une fenêtre ouverte sur le monde et révèle notre plus belle part d'humanité.
Vous êtes la marraine de cette nouvelle édition si particulière du festival Magnifique Printemps. Comment réagissez-vous au fait que le festival passe en tout numérique ?
J’aurai préféré que le festival se tienne en chair et en os, je pense que le public et les organisateurs aussi, maintenant l’équipe du festival a réussi à ne pas annuler et à résister. C’est vrai que c’est frustrant, mais on espère qu’à travers ces vidéos et ces captations, la rencontre pourra quand même avoir lieu !
Dans la programmation du festival, avez-vous des conseils à donner aux personnes sensibles à la poésie mais qui ne connaissent pas forcément les auteurs invités ? Des portes d’entrée sur la poésie contemporaine ?
J’aurais envie de répondre un peu plus largement : il faut arrêter de penser que la poésie, c’est pas pour nous. Beaucoup de gens ont des mauvais souvenirs d’école, d’études, sans parler de ceux qui ont croisé ce type de poésie où on ne comprend rien. Il y a plein de raisons d’avoir peur ou de s’éloigner la poésie alors qu’en fait, c’est vraiment quelque chose qui parle à tout le monde. Mon conseil, c’est de se laisser embarquer. Dans la programmation, je vous conseille d’aller écouter Louis-Philippe Dalembert, ce poète originaire d’Haïti que j’adore, allez écouter aussi Caroline Boidé qui vient de publier un premier recueil qui s’appelle « Une femme en crue » que j’ai lu et beaucoup aimé. Avec Bruno Doucey je vais faire découvrir une poétesse coréenne Moon Chung-hee avec son recueil « Celle qui mangeait le riz froid ». Chaque personne à qui on a conseillé de la lire a découvert une poésie du quotidien assez ironique et assez forte sur les questions féministes. Cette poésie nous parle, alors qu’elle vient de l’autre bout du monde. C’est aussi ça que j’aime dans la poésie.
Vous allez donner une lecture musicale autour du Feuilleton d’Ulysse accompagnée au violon, pour les enfants à partir de 6 ans et leurs parents. En quoi la mythologie peut éclairer notre temps ?
J’ai écrit quatre feuilletons mythologiques dont « Le Feuilleton d’Ulysse » dont nous donnons la lecture musicale avec Pascal Delalée pour beaucoup de raisons, notamment le fait que la mythologie charrie des questions existentielles qui nous parlent tous les jours. Ulysse n’était pas un grand voyageur qui adorait voyager. Il a été obligé de partir à la guerre et se retrouve ensuite dix ans en Méditerranée pour retrouver sa terre, c’est donc le premier des migrants. On peut ressentir dans les histoires mythologiques des choses d’une actualité permanente.
Au-delà de vos activités d’autrice, vous êtes aussi éditrice puisque vous avez fondé avec votre compagnon une maison d’édition dédiée à la poésie contemporaine. Le livre a été plébiscité par les Français durant l’année 2020, est-ce que la poésie a bénéficié de cet engouement ?
On s’est aperçu que les gens ressentaient fortement le besoin de poésie. Pendant le premier confinement, on a proposé un apéro-poésie tous les jours à 18h via les réseaux sociaux, simplement pour lire un peu de poésie, et nous avons été frappés à la fois de la fréquentation et du nombre de personnes qui nous en parlent encore aujourd’hui. Dans des moments de crise, tout le monde a senti intuitivement que la fenêtre ouverte sur la poésie nous permettait de faire lien. Elle nous permet de nous prendre dans les bras les uns et les autres. Avec Bruno Doucey, depuis dix ans qu’on a fondé cette maison d'édition, on croit que la poésie c’est notre part la plus forte d’humanité. On a encore plus besoin de cette ceinture de main fraternelle des poètes du monde entier. Cependant, la poésie bénéficie de peu d’exposition médiatique et en 2020 nous avons été cruellement privés de ces moments où on fait des lectures, les salons et les festivals… C’est d’autant plus important que Magnifique Printemps se tienne : on n’a pas de théâtres, les lieux de partage habituels sont fermés, mais on va quand même trouver des manières de faire découvrir des auteurs et des textes. C’est une démarche essentielle, clairement.
Découvrir toute la programmation sur le site de Magnifique Printemps.