Considéré comme l'une des plus grandes tragédies du théâtre français, ce classique aux 1 800 alexandrins a fait peau neuve au Français en 2016. Stéphane Braunschweig signait alors sa première mise en scène à la Comédie-Française. Le spectacle marquait aussi l'arrivée de la comédienne Dominique Blanc, nouvelle pensionnaire de la maison, qui interprète une grande Agrippine. Une première, donc, pour ces deux grands artistes à la carrière déjà exceptionnelle.

Dans sa mise en scène, Stéphane Braunschweig offre à Britannicus un regard résolument contemporain. Écrite en vers de douze pieds en 1669, la pièce se regarde désormais comme un épisode de House of Cards. Le drame ne se joue pas dans une de ces royautés tyranniques aujourd'hui disparues mais dans une grande entreprise contemporaine où les coups bas et les trahisons sont tout aussi cruels.

Les comédiens, en pardessus ou costumes noirs et chemises blanches, incarnent des individus pétris de paradoxes. Fragile, névrosé, infantile et terriblement destructeur, Laurent Stocker est un Néron inquiétant de folie en devenir qui cherche à évincer Britannicus, qu'interprète l'épatant Stéphane Varupenne, ce double qui lui ressemble étrangement.

Dominique Blanc, en costume noir elle aussi, est à son aise dans ce rôle de matrone qui voit son fils lui échapper. Souveraine, arrogante et lucide, elle livre une prestation à la hauteur de son art.

Dans ce jeu d'échecs brillamment mis en place, la pièce file et se regarde comme un passionnant thriller politique. Force est de constater que le génie de Racine, dont il s'agit de la deuxième grande tragédie avant Andromaque, réside bien dans cette formidable alchimie qui mêle les passions, névroses, frustrations et désirs de ses personnages avec la fièvre totalement mégalomaniaque du pouvoir.