Culture
- Publié le 17 novembre 2020

Lucie Campos : « Nous sommes dans un travail de réinvention continu »

Lucie Campos a pris les rênes de la Villa Gillet en septembre 2019. La Villa Gillet est un centre international pluridisciplinaire qui donne la parole aux écrivains, aux penseurs, aux artistes et au public. Le festival Mode d’emploi, du 16 au 21 novembre, sous titré "Idées sous couvre-feu" propose des lectures de textes par de grandes voix d'aujourd'hui comme Denis Podalydès, Dominique Blanc ou Camélia Jordana.

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Si vous deviez définir l’année 2020 en trois mots ?
Lucie Campos : Alors en trois mots c’est difficile, mais "réinvention", la réinvention à laquelle nous sommes tous attachés. Deuxièmement "chambre d’écho", ce qui se passe en 2020 se passe partout et nous qui travaillons dans la culture, nous essayons d’être des chambres d’échos de choses qui frappent tous les publics, tous les pays et toutes nos chaînes culturelles en même temps. Troisièmement, "qui-vive"... On est sur le qui-vive, on est en alerte continue puisque nous sommes dans une espèce de travail de réinvention continu.

Dans un contexte d’urgence sanitaire, comme définiriez-vous le rôle de la culture ?
Alors pour nous, le rôle de la culture, c’est vraiment de continuer à faire exister la conversation entre les publics de toutes sortes et les artistes et les penseurs d’aujourd’hui. La conversation, c‘est parler de ce qui nous arrive, parler des cadres dans lesquels nous pensons ce qui nous arrive et échanger autour des expériences présentes. La culture fait tout ça. La culture le fait normalement en salle et face à des publics en présentiel. Notre mission actuellement, c’est continuer cette conversation par tous les moyens possibles.

Le Festival Mode d’Emploi débute aujourd'hui, comment vous êtes-vous adapté au tout numérique ?
Le principe de Mode d’emploi, c’est de faire entendre dans l’espace public, la parole des écrivains, des penseurs et de tous les milieux associatifs qui travaillent avec l’écriture et la pensée. On a donc pris le parti de renommer le programme Mode d’Emploi de cette année 2020 : « Les Idées sous couvre-feu », et d’en faire une série de propositions sonores qui seront disponibles sur le site villagillet.net, autour de cette idée que sous le couvre-feu, les idées continuent. Donc il y aura une série de programmation du 16 au 21 novembre, autour de thèmes tels que : le féminisme aujourd’hui, l’exil, l’écriture de l’Histoire, les nouveaux discours sur le vivant, les libertés publiques… Thèmes auxquels, évidemment nous croyons, mais que nous pensons être d’autant plus importants aujourd’hui, que les conversations sont rares et qu’on a peu de propositions culturelles, autour de nous en cette période de confinement/couvre-feu.

D’où ce titre « Les Idées sous couvre-feu », à quoi on ajoute, un deuxième programme de lectures. La Villa Gillet a fait appel à une série d’acteurs, tel que Denis Podalydès, Dominique Blanc, Camélia Jordana, pour n’en citer que quelques-uns, qui depuis leur propre confinement ont accepté dans un temps assez record, mais avec cet enthousiasme qui peut être celui du couvre-feu, de donner en lecture quelques grands textes. C’est un mélange de textes d’actualité, avec des auteurs comme Laurent Gaudé, Fatima Daas, Christiane Taubira ou Virginie Despentes et de grands textes fondateurs, comme Frantz Fanon, Albert Camus, dont nous pensons que leur lecture ou leur écoute peut faire raisonner aujourd’hui les thèmes qui sont les nôtres, et contribuer au débat qui existe malgré tout. Donc c’est ça une réinvention : à la fois un passage en numérique, mais aussi, faire appel, dans un temps très court, à des auteurs, des acteurs, et des associations qui ont toutes répondu présentes.

Avez-vous tiré des leçons du premier confinement ?

Alors, oui ! La première, c’est que beaucoup de choses sont possibles, malgré la contrainte du travail à distance et malgré des façons de travailler auxquelles nous n’étions pas habitués. Nous avons pu faire des choses incroyables, et nous ne sommes pas les seuls. Le fait de maintenir un festival pendant le confinement a aussi prouvé de nouveau à quel point il était important, quand on travaille dans un lieu culturel, d’être capable de s’adapter et penser vraiment les propositions qui sont les nôtres, à destination du public.

En mai, lors des Assises Internationales du Roman, le public était heureux d’entendre des écrivains, des penseurs, et des journalistes. Le deuxième confinement se présente différemment puisqu'on a déjà vécu ça, mais notre mission est de proposer de nouveau quelque chose qui fasse sens et qui apporte dans l’espace public, la voix des écrivains, des artiste et des penseurs.

Est-ce qu’une initiative culturelle vous a marqué durant cette période de crise sanitaire ?
Je dirais, beaucoup, puisque ce qui a été très impressionnant, ça a été le partage entre des institutions très différentes. C’est-à-dire qu’on a pu voir relayé par des théâtres, des propositions de danse ; par la Maison de la danse des propositions d’autres types ; par un lieu des écritures, comme la Villa Gillet, des propositions théâtrales. Et le fait que nous ayons pu faire tourner et faire connaître, en quelque sorte, à tous nos différents publics, les objets des autres, a été extrêmement positif pendant cette période.

Un conseil de lecture, pour prendre une grande bouffée d’oxygène, on en a tous besoin… Alors, attention la Villa Gillet est un lieu des écritures, donc j’ai trois conseils de lectures ! Déborah Lévy, écrivaine anglaise, qui vient d’être publiée en France, c’est une grande écrivaine féministe et de l’expérience féminine britannique. Mathias Enard, Prix Goncourt, qui a sorti ce mois-ci, un nouveau livre incroyablement drôle, qui s’appelle "Le Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs". Et, François Hartog, historien des idées, qui a écrit un très beau livre sur le temps, dont le titre est "Chronos". 

Très bien,  avec le confinement, on aura largement le temps de les lire. Pour 2021, de quoi rêvez-vous ?
Nous rêvons de retrouver nos publics et de revoir des visages ! Nous pouvons faire beaucoup de choses à distance, mais ce qui nous manque le plus c’est la conversation en direct avec le public, l’expression faciale, l’applaudissement, le fait qu’on puisse sourire, froncer le sourcil, approuver ou désapprouver quelque chose d’un spectacle, d’une conversation ou d’une proposition culturelle. On rêve de retrouver nos publics !

https://www.villagillet.net/